Vol de nuit - épisode 2

Second épisode, et premier vol de nuit de cette nouvelle année.
Dans le cadre d'une future qualification VFRN, nous avions prévu avec Yves et Christian d'aborder les trajectoires publiées autour de la région parisienne. La majorité de ces dernières s'effectuent aux alentours de 1500 ft, ce qui signifie compte tenu des conditions météorologiques requises, un plafond à 3000 ft, agrémenté d'une visibilité horizontale de 8 kms.
L'état du ciel ce jeudi ne se prête guère à cet exercice, plafond bas, couches nuageuses multiples, et un vent plus adapté à la planche à voile qu' au vol serein !
Qu'à cela ne tienne, l'avion est réservé de longue date, nous maintenons le vol, mais décidons d'un commun accord d'aller fouler le tarmac normand, et plus particulièrement celui du Havre Octeville. J'ai eu l'occasion d'y aller récemment mais de jour, et sous un beau soleil automnal et anticyclonique.
Nous rejoignons Yves à 17 heures à Toussus. Le "patron" est déjà à la tour, le plan de vol IFR est déposé et nous allons rendre visite à madame Météo pour prendre les dernières sur notre trajet vers l'ouest.
Un front est déjà installé sur la Manche, les précipitations arrivent sur la côte. Le vent prend de la vigueur pour s'établir sud sud-ouest aux environs de 20 kts, avec rafales à 30, que ce soit en Normandie, mais déjà également en région parisienne. J'ai d'ailleurs pu m'en rendre compte en moto, où je commençais à prendre de la gite dans la plaine qui environne Toussus !
Les conditions sont appelées à se dégrader en début de nuit, ainsi que toute la journée de demain. Rafales à 40, voir 45 kts prévues dans quelques heures. Nous devrions néanmoins avoir le temps de boucler notre aller et retour avant cette dégradation.
La nuit est déjà tombée lorsque nous demandons la mise en route. Je ferai l'aller cette fois, et Christian le retour.
Le contrôle nous autorise le roulage au point d'arrêt 25 droite. Je m'applique à maintenir ZN sur la ligne jaune, faiblement éclairée par les pseudo projecteurs montés sur l'aile gauche du TB. Le temps de dérouler la checklist et de faire les essais moteurs, et la clairance nous est donnée. Nous sortirons vers l'ouest par un virage à droite en direction de la balise HOL, pour ensuite mettre le cap sur le VOR de l'Aigle, le tout au niveau 50.
Le vent est du 190 pour 17 kts, rafales 26. La piste est une 25, ce qui nous donne une quinzaine de noeuds de vent traversier.
Alignement, plein gaz, manche à gauche pour contrer le vent, 75 kts rotation, et montée initiale à 110 kts. Je majore toutes les vitesses pour "épauler" les rafales.
Nous nous faisons gentiment secouer en quittant le plancher des vaches mais rien de bien méchant.
Fais Ton Métier Pour Vivre Entier ! La litanie d'usage est déclamée: Freins, Train rentré, Moteur 25 pouces à l'admission, Pas 2500 tours, Volets rentrés, Essence débit sur 18. C'est parti pour de nouvelles aventures !
Nous quittons le contrôle de Toussus pour passer avec Villacoublay qui nous confirme notre route vers L'Aigle, et nous expédie 2000 pieds plus haut vers le FL70.
Nous traversons déjà une première couche vers 1000 ft, et continuons notre montée. Les turbulences se calment avec l'altitude. Nous sommes stables au niveau 70, le GPS indique 130 kts de ground speed.
Sans même attendre notre prochain point de report, le contrôle nous donne une directe LHO, la balise du Havre.
Tout va comme toujours très vite, nous prenons le temps d'admirer la vie terrienne qui filtre discrètement à travers les trouées nuageuses, Evreux puis Rouen sont rapidement dépassés et déjà, le contrôle de Deauville nous autorise la descente vers 2000 ft. Nous survolons la rive nord de la Seine et laissons sur notre gauche le pont de Tancarville puis le pont de Normandie. Nous nous dirigeons vers la balise située au nord est du terrain, pour nous positionner en approche ILS23. La proximité du sol réveille les turbulences qui secouent le Trinidad. Petit à petit, nous ramenons le cap vers l'ouest jusqu'à intercepter le localizer puis le glide qui nous amèneront sur l'axe en finale. La pluie martèle doucement le pare-brise, mais le vent a dégagé l'atmosphère et nous bénéficions malgré les conditions d'une excellente visibilité. La piste et le PAPI sont devant nous. Le vent vient très légèrement de la gauche, l'atterrissage devrait se faire sans difficulté. J'essaie de me concentrer pour suivre le HSI, Tu Peux Voler: Train, Pas, Volets, 80 kts en courte, cette fois, je ne me ferai pas surprendre à l'arrondi ! Je maintiens 300 pieds / minute, et ZN pose gentiment ses roues sur la piste Havraise mouillée par la récente pluie. Nous dégageons par la gauche pour aller nous stationner à proximité d'un Cessna, seul avion présent sur le parking en ce début de nuit.
Il y a de la lumière dans les locaux de l'aéroclub, nous en profitons pour aller demander l'hospitalité ! Comme toujours les "collègues aviateurs" nous accueillent et mettent à notre disposition leur machine à café. Ils nous font part des déboires qu'ils ont eu avec leur nouveau DA40 diesel, qui s'est vaché heureusement sans gravité pour ses occupants, après une panne moteur (encore une ...).
L'avion que nous allons voir dans le hangar n'est effectivement plus en état de voler, le train a cédé sous la pression, et les ailes ont été stoppées par des clôtures...
Nous ne souhaitons pas trainer pour rentrer et saluons nos hôtes, en les remerciant pour leur hospitalité. Nous regagnons sous la pluie ZN qui nous attend pour retourner se mettre à l'abri à la maison !
Roulage, décollage, montée initiale puis virage à gauche pour à nouveau retrouver le chemin du VOR de l'Aigle. Malgré les nuages et la pluie, le Havre se dévoile sous notre aile gauche. La zone portuaire s'étend presque jusqu'au pont de Tancarville.
Rapidement, nous entrons dans la couche et cette fois, la pluie est bien plus forte. Les grosses gouttes défilent sur les ailes dans la lueur des projecteurs.
Nous montons vers le niveau 80. Après avoir franchi l'Aigle, le contrôle nous envoie sur le VOR de Chateaudun, début de l'approche pour la 25 de Toussus, puis rapidement nous donne un nouveau cap direct sur TSU. Cela signifie que nous bénéficierons d'une superbe approche au dessus de Paris pour rejoindre la finale. Yves nous indique que cette procédure n'est quasiment plus utilisée de nos jours, et que c'est une réelle chance de pouvoir en bénéficier. Le coup d'oeil sur la capitale est parait-il exceptionnel.
Le vent pousse très fort de l'arrière et les 200 kts de ground speed sont allègrement franchis ! ZN file comme une fusée dans le brouillard. Attention, pas plus de 250 kts sous le FL 100 !
L'indicateur de température extérieure nous indique -4° et la pluie continue de fouetter le TB20. Yves sort sa lampe électrique, éclaire les ailes, une légère pellicule de givre commence à accrocher les bords d'attaque. Nous nous préparons à solliciter un niveau plus bas mais le contrôle semble avoir anticiper notre requête, et nous propose de commencer note descente vers Toussus. Au fur et à mesure que nous descendons, la température remonte et repasse en positif.
Nous passons EPR, laissons Rambouillet et les chasses présidentielles sur notre droite puis arrivons sur Toussus.
"ZN descendez 3000 ft et prenez le 72 de TSU".
Nous traversons la dernière masse nuageuse et Paris se déploie sur note gauche. Comme nous l'avait dit Yves, la vue est exceptionnelle.
Nous longeons le périphérique jusqu'à la porte d'Ivry, ébahis par le spectacle qui nous est offert. Un demi tour par la droite jusqu'au cap 290 nous amènera sur la trajectoire pour intercepter l'ILS.
M A G I Q U E !!!
Devant nous, au loin, la piste est déjà en vue. Christian prépare sa machine pour l'atterrissage. le contrôle nous passe le dernier vent: 21 noeuds du 180 avec rafales à 29. Ca bastonne ! Pratiquement plein travers, de nuit et sous la pluie. Bon courage Christian...
ZN arrive arrive en crabe, voir en tourteau jusqu'en courte. Ca chauffe ! Finalement (c'est le cas de le dire...), Christian et Yves nous feront une partition à 4 mains et 4 pieds pour ramener tout en souplesse ZN sur la piste. Je profite du spectacle à l'arrière. Ca secoue en courte, mais le kiss est accompli. Je sens que les 4 pieds pédalent à gauche et à droite pour tenir l'axe mais ça roule ! Nous regagnons le hangar Tudair où stationne notre appareil.
Il est 21h30 locale, nous en avons encore plein le yeux et afin de ne pas en rester là, nous nous dirigeons en convoi routier cette fois jusqu'à Versailles, où nous finirons notre soirée autour d'une pizza et d'une bonne bouteille de rosé de Provence.
Quel pied quand même le vol de nuit !!!