Tempelhof rassemble à lui seul nombre de souvenirs, la seconde guerre mondiale, la toute puissance du Reich et son architecture caricaturale, l'Est et l'Ouest, la douleur et l'espérance des peuples, le mur de la honte et de la bêtise humaine portée à son paroxysme...
Tempelhof symbolise également la technique et l'aviation au service des grandes causes.
Berlin-Ouest isolé en territoire soviétique après le blocus déclaré par Staline en 1948, et la réponse des alliés avec le pont aérien qui a vu atterrir jusqu'à près d'un avion par minute en 1949 !
Le référendum organisé au printemps de cette année n'aura pas permis de sauver Tempelhof, et le terrain fermera définitivement ses portes à toute activité aérienne le 31 octobre 2008.
Dès lors, il ne restait que quelques mois pour concrétiser notre souhait de toucher du doigt l'Histoire...
A la réception du planning des sorties organisées par le club sur le TB20, il est prévu un vol vers Speyer en Allemagne le 8 août. Je m'y inscris sans autre idée que celle d'élargir mon périmètre, au delà du plaisir de retrouver l'équipe du TB.
Le mois d'août approche et l'idée commence à germer, Speyer c'est une bonne idée, c'est en Allemagne, mais si nous poussions un peu plus loin ? Berlin n'est "qu'à" 1h30 de vol de plus ?
Je soumets immédiatement la proposition à Yves et à Christian qui comme je l'espérais sont enthousiastes.
C'est donc décidé, nous poserons les roues du TB à Tempelhof avant son entrée définitive et irrémédiable dans l'Histoire !
Nous nous retrouvons la semaine précédente à Chavenay pour préparer la nav et étudier la logistique du voyage.
Nous partirons sur 2 jours compte tenu de la durée du trajet estimée à 4 heures. Le vol se fera en IFR, et nous ferons une halte refueling réservoirs et estomacs à Siegerland, qui se trouve environ à mi-chemin entre Toussus et Berlin. Siegerland est un terrain VFR/IFR, et dispose de tout le nécessaire, l'essence est payable par carte bancaire ce qui n'est pas le cas à Berlin, et le restaurant sert à toute heure, que demander de plus ?
Tout est enfin prêt, les routes définies grâce à RouteFinder, destiné à la simulation mais très efficace pour éditer les routes IFR Les cartes IFR sont téléchargées sur Eurocontrol et imprimées, l'hôtel réservé et toute l'équipe impatiente de prendre l'air.
Les prévisions météo sont scrutées chaque jour, et se dégradent chaque jour... L'IFR de beau temps que nous pratiquons ne nous permet pas de nous affranchir des orages et du givrage. Hors, les orages ont une fâcheuse tendance à s'installer sur l'Europe de l'ouest ces derniers jours...
Alors que nous prions et brûlons chaque jour une trentaine de cierges pour amadouer la météo, Yves nous assène le coup de téléphone final, le TB est immobilisé pour cause de switch de train principal HS, et l'avion ne pourra être remis en état de vol pour notre périple.
Bad news et énôôôrme déception...
Il n'est cependant pas question d'abandonner l'idée mais le planning du TB est chargé ce mois d'août. Christian avait néanmoins prévu un vol vers l'île d'Yeu lundi 11 et l'avion est encore disponible mardi 12, ouf... Il ne reste plus qu'à trouver ce maudit switch avant la fin de la semaine, nouveau challenge en perspective ! Le réseau fonctionne, la Socata doit faire partir 5 switchs à Troyes Aviation, et l'un d'entre eux nous est destiné.
Un autre switch est disponible à Melun. Par précaution, nous décidons de jouer les deux options, je fais donc un saut en moto à Melun à l'heure du déjeuner, et je suis à 8 heures le lendemain matin à Toussus à l'ouverture de l'atelier pour déposer la précieuse petite boite en carton !
"C'est pas le bon modèle, ceux là j'en ai en stock" me répond le chef d'atelier...
... Poisse, quand tu nous tiens...
Il me rassure cependant en m'annonçant que celui de la Socata devrait arriver ce matin, et que le TB sera prêt vendredi soir. Je retourne chez le marchand de cierge et dévalise les dernières caisses disponibles...
Samedi 9: l'avion est prêt et les congés posés, la météo est moyenne pour les jours à venir, mais cela devrait le faire !
Lundi matin 8 heures, tout le monde se retrouve au bureau météo de Toussus. L'aller se fera dans d'excellentes conditions, le retour sera sans doute plus délicat avec un front froid qui pointe le bout de son nez, mais les orages devraient être centrés sur l'est et le sud.
Le plan de vol est déposé pour 8h30 UTC, et nous mènera à Siegerland via les VOR de Cambrai, Olno et Noerwenich, soit un trajet de 321 NM au FL90.
Les contrôleurs, qu'ils soient français, belges ou allemands nous passeront systématiquement des directes, ce qui a considérablement réduit le trajet initial et c'est après 2h25 de vol que Christian pose le TB sur la 31 de Siegerland.
Le terrain est superbe, tout comme la région faite de collines boisées, l'accueil est chaleureux, l'agent AFIS nous répond même en français !
Le second plan de vol déposé sur Olivia n'atteindra pas l'Allemagne, trop loin sans doute, pourtant, l'Europe ils disaient...
Qu'à cela ne tienne, notre contrôleur prend les affaires en main et s'occupe de tout, pendant que nous admirons la superbe maquette du Dornier DO-X suspendue au plafond, avant d'aller nous restaurer.
L'accueil au restaurant est tout aussi chaleureux et le dessert nous sera même offert !
Le TB avalera également 110 litres avant de faire route vers Berlin.
Un dernier saut à la tour pour récupérer notre nouveau plan de vol, consulter la météo, et je mets en route pour Tempelhof, distant de 247 NM.
Alignement en 31, mise en puissance, rotation à 70 kts et c'est parti pour 2 heures de bonheur !
Après avoir survolé l'ex RDA, nous arrivons à Berlin par le sud, en même temps qu'un Airbus AF. Le contrôleur nous demande de surveiller les planeurs lors de notre descente entre les nuages et enfin Berlin apparait.
La 27 est en service à Tempelhof que nous devinons au beau milieu de la ville. Nous effectuons un grand circuit main gauche au sud de Berlin Schönefeld. A gauche au 360, puis encore à gauche au 310 pour intercepter l'ILS 27 gauche et les deux pistes parallèles sont devant nous, enfin !
Le moment n'est qu'émotion, je sais qu'il est unique au sens propre du terme, c'est la première et la dernière fois que je me poserai à Tempelhof, il me faut donc apprécier chaque seconde, enregistrer chaque image, tout en me concentrant sur l'approche, loc, glide, puis le PAPI et la vitesse...
J'aimerai pouvoir mettre sur pause, apprécier, souffler, puis recommencer.
Tout va très vite, trop vite, et nous nous retrouvons en courte au beau milieu des immeubles, à hauteur des toits, Joëlle mitraille pour immortaliser la scène !
Voilà, c'est fait, nous y sommes et nous roulons derrière le marshaller jusqu'au parking aviation générale, situé à l'ouest du bâtiment.
Check-list parking et arrêt, nous ouvrons les portes et foulons ce ciment historique, qui a vu tant d'avions rouler, tant de passagers débarquer, et tant de marchandises déchargées pendant le blocus, nourriture, charbon, médicaments, et même une centrale électrique en pièces détachées.
Notre voisin est un Suisse qui arrive en famille de Genève, avant de repartir demain pour le Danemark, "il faut profiter des vacances" nous dit-il !
Nous refuelons (attention paiement cash ou carte Diner's uniquement) avant d'embarquer en voiture cette fois jusqu'au terminal.
Formalités très rapide, et en route vers le métro, ligne 6, station "Platz der Luftbrücke", en longeant le monument érigé en souvenir des victimes du pont aérien.
Le métro n'est qu'à quelques minutes de marche en sortant à droite de l'aérogare, et le centre de Berlin n'est qu'à 4 stations, et 2 euros par personne. Pour information, un taxi coûte 6 ou 7 euros pour le même trajet... mais le métro jaune de Berlin, le U-Bahn, est très agréable.
Quelques minutes seulement suffisent pour rallier le centre ville, et nous voici à Postdamer platz pour rejoindre notre hôtel.
La fin d'après-midi et la soirée seront consacrées à une grande ballade à pied pour découvrir Berlin. La porte de Brandebourg, le Reichstag, les restes du mur, le côté Est et son réseau de distribution d'eau aérien.
La ville est très contrastée, de nombreuses constructions en verre trônent au milieu des bâtiments austères mais le tout est équilibré et très aéré, et nous sommes de suite conquis par l'ambiance qui y règne.
Après une bonne nuit de récupération, nous prévoyons de visiter le musée des techniques, où tout un étage est consacré aux "choses de l'air". La météo est maussade en ce début de matinée, et la consultation des prévisions nous oblige à écourter notre séjour. En effet, les orages prévus plus au sud semblent avoir largement pris leurs aises. Tous les TAF entre Berlin et Paris prévoient du TEMPO TS, du BKN CB... Certes souvent avec du PROB30, mais nous privilégions la sécurité.
Nous ne passerons qu'une heure au musée, le temps néanmoins d'admirer quelques belles machines dans différents états de conservation, JU52, Stuka, un cockpit de Superconstellation et bien sûr le DC3 qui trône majestueusement sur le toit face à la ville.
Retour à l'hôtel pour récupérer les bagages et déjà, l'atmosphère s'alourdit, le ciel se couvre, le front arrive.
10 minutes de taxi et 8 euros plus tard, nous voici devant le terminal aviation générale.
Nous payons les redevances et déposons par téléphone notre plan de vol pour Siegerland. Sans perdre de temps, nous descendons les marches qui nous amènent sous l'immense toit, symbole des ailes de l'aigle.
Retour à l'avion à pied cette fois, sous un ciel qui commence à se faire plus menaçant.
Prévol complète, niveau d'huile, chargement des bagages, et nous voici autorisés à rouler vers le point d'arrêt 27 droite.
Nous saluons respectueusement un vieux DC4 stationné au nord du terrain,
avant de nous arrêter au point d'arrêt le long des immeubles.
Le contrôle ne modifiera pas moins de trois fois notre plan de vol pendant la durée du roulage !
La clairance de décollage nous est donnée, tandis que le Junker 52 atterrit à côté de nous sur la 27 gauche, tel un cadeau d'adieu offert par le terrain. Nous trainons un peu à l'alignement afin de pouvoir le contempler lors de notre montée initiale.
Il est près de treize heures lorsque Christian met en puissance.
Comme prévu, nous passons verticale le JU52 qui roule vers l'aérogare pour déposer ses passagers.
Au fur et à mesure de la montée, nos têtes se retournent pour admirer une dernière fois Tempelhof.Nous survolons la banlieue ouest de Berlin et ses nombreux lacs, nous reviendrons c'est sûr, mais par la ligne cette fois...
Nous pénétrons rapidement dans le front en forme de mille-feuilles.
Au fur et à mesure que nous progressons vers Siegerland, les couches s'épaississent et le vent forcit. Nous avons fait l'aller à près de 180 kts, nous sommes désormais péniblement à 110 kts. Le stormscope est sur ON, et nous guettons d'éventuels CB dans la masse grise.
Après près de trois heures de vol, nous approchons de notre destination. L'ATIS annonce scattered 400 et broken 700, c'est plutôt bas... La 13 est en service, hors seule la 31 dispose d'une approche ILS, il va nous falloir demander une 31. Quelques minutes plus tard, le contrôle nous demande d'écouter à nouveau l'ATIS car désormais la 31 est en service, notre agent AFIS a dû nous entendre sur la fréquence et a anticipé notre requête.
Nous passons sur Siegerland info et sommes accueillis par un chaleureux "bonjour madame et messieurs !".
La percée sera disons... sportive, le vent est travers gauche avec de plus une légère composante arrière.
Vitesse, dérive, loc, glide, volets, vitesse, loc, glide, train... le tout dans une épaisse purée de poids... et enfin la piste apparait. Notre ami a tout allumé pour notre arrivée. Posé pas cassé, assoiffés et affamés !
Direction le restaurant désormais familier, il est 16 heures. "Peut-on encore manger ?". "Bien sûr, et commandez ce que vous voulez !".
Nous montons ensuite à la tour récupérer notre plan de vol, consulter la météo et saluer notre hôte. La photo satellite nous montre clairement le front que nous traversons. Actuellement la France est totalement dégagée mais des tâches apparaissent plus à l'ouest.
Il ne faut pas trop trainer car la météo sur Paris annonce des CB vers 20 heures locales.
Je retrouve zoulou november pour la dernière branche du voyage. Je démarre très fort en remontant la piste pensant être sur le taxiway ! J'appelle le contrôleur pour m'excuser de mon méfait, "kein problem !" répond-il !
Nous mettons le cap au sud ouest, en montée vers le niveau 80. Il nous reste 300 NM à parcourir via les VOR de Noervenich à nouveau, Huldenberg et Chièvres.
Comme précédemment, le plan de vol initial est modifié à notre avantage et le contrôle nous raccourcit le trajet en nous donnant des directes dès que possible.
Le vent est toujours aussi fort et nous demandons à descendre au niveau 60, ce qui nous permet de gagner une dizaine de noeuds. Nous filons désormais 120 kts dans un beau ciel de traîne.Nous venons en réalité d'avoir un cours de météo live, avec traversée de part et d'autre du front.
Les cumulus bourgeonnent gentiment autour de nous, des grains isolés parsèment désormais le ciel bleu.
Nous retrouvons la langue française avec le contrôleur de Charleroi, sous un plafond noir mais sans danger.
Les frontières se suivent, Pays-Bas, Belgique puis la France. Les passagers dorment ou bien profitent du paysage enfin dévoilé,
Tandis que le "first officer" suit sa nav et rentre les waypoints dans le GPS.
Nous survolons Laon, laissons Reims sur notre aile gauche et remontons la vallée de la Marne en direction du VOR de Coulommiers.
Le contrôle nous renvoie au FL80 et nous voici à nouveau dans la couche en approchant Paris.
C'est ici que nous verrons le seul CB du voyage, au nord de la capitale.
Les dernières consignes nous sont données, cap convergent et descente vers 3000 ft pour intercepter l'ILS 25 droite de Toussus.
Nous allons nous faire une verticale sud de Paris, tandis que les communications sur la fréquence d'Orly évoquent du cisaillement en finale... Il est vrai que le temps autour de nous semble bien mouvementé !
Je m'attends à une arrivée également mouvementée sur Toussus, le contrôleur nous donne le dernier vent, 200° pour 20 kts, rafales à 30.
Ca balance pas mal aujourd'hui comme dit la chanson, et zoulou november se ballade de gauche à droite de l'axe...
Mon toucher sur la roue gauche sera sportif aussi. Malgré le casque, j'entends rire à l'arrière !
Peut-être un peu de trop de manche à gauche...
Nous voici en tous les cas de retour au bercail après un vol qui restera gravé à l'encre indélébile dans nos mémoires.
Tchuss Berlin !
album photo complet ici, ou ici en version HDR.
Tempelhof symbolise également la technique et l'aviation au service des grandes causes.
Berlin-Ouest isolé en territoire soviétique après le blocus déclaré par Staline en 1948, et la réponse des alliés avec le pont aérien qui a vu atterrir jusqu'à près d'un avion par minute en 1949 !
Le référendum organisé au printemps de cette année n'aura pas permis de sauver Tempelhof, et le terrain fermera définitivement ses portes à toute activité aérienne le 31 octobre 2008.
Dès lors, il ne restait que quelques mois pour concrétiser notre souhait de toucher du doigt l'Histoire...
A la réception du planning des sorties organisées par le club sur le TB20, il est prévu un vol vers Speyer en Allemagne le 8 août. Je m'y inscris sans autre idée que celle d'élargir mon périmètre, au delà du plaisir de retrouver l'équipe du TB.
Le mois d'août approche et l'idée commence à germer, Speyer c'est une bonne idée, c'est en Allemagne, mais si nous poussions un peu plus loin ? Berlin n'est "qu'à" 1h30 de vol de plus ?
Je soumets immédiatement la proposition à Yves et à Christian qui comme je l'espérais sont enthousiastes.
C'est donc décidé, nous poserons les roues du TB à Tempelhof avant son entrée définitive et irrémédiable dans l'Histoire !
Nous nous retrouvons la semaine précédente à Chavenay pour préparer la nav et étudier la logistique du voyage.
Nous partirons sur 2 jours compte tenu de la durée du trajet estimée à 4 heures. Le vol se fera en IFR, et nous ferons une halte refueling réservoirs et estomacs à Siegerland, qui se trouve environ à mi-chemin entre Toussus et Berlin. Siegerland est un terrain VFR/IFR, et dispose de tout le nécessaire, l'essence est payable par carte bancaire ce qui n'est pas le cas à Berlin, et le restaurant sert à toute heure, que demander de plus ?
Tout est enfin prêt, les routes définies grâce à RouteFinder, destiné à la simulation mais très efficace pour éditer les routes IFR Les cartes IFR sont téléchargées sur Eurocontrol et imprimées, l'hôtel réservé et toute l'équipe impatiente de prendre l'air.
Les prévisions météo sont scrutées chaque jour, et se dégradent chaque jour... L'IFR de beau temps que nous pratiquons ne nous permet pas de nous affranchir des orages et du givrage. Hors, les orages ont une fâcheuse tendance à s'installer sur l'Europe de l'ouest ces derniers jours...
Alors que nous prions et brûlons chaque jour une trentaine de cierges pour amadouer la météo, Yves nous assène le coup de téléphone final, le TB est immobilisé pour cause de switch de train principal HS, et l'avion ne pourra être remis en état de vol pour notre périple.
Bad news et énôôôrme déception...
Il n'est cependant pas question d'abandonner l'idée mais le planning du TB est chargé ce mois d'août. Christian avait néanmoins prévu un vol vers l'île d'Yeu lundi 11 et l'avion est encore disponible mardi 12, ouf... Il ne reste plus qu'à trouver ce maudit switch avant la fin de la semaine, nouveau challenge en perspective ! Le réseau fonctionne, la Socata doit faire partir 5 switchs à Troyes Aviation, et l'un d'entre eux nous est destiné.
Un autre switch est disponible à Melun. Par précaution, nous décidons de jouer les deux options, je fais donc un saut en moto à Melun à l'heure du déjeuner, et je suis à 8 heures le lendemain matin à Toussus à l'ouverture de l'atelier pour déposer la précieuse petite boite en carton !
"C'est pas le bon modèle, ceux là j'en ai en stock" me répond le chef d'atelier...
... Poisse, quand tu nous tiens...
Il me rassure cependant en m'annonçant que celui de la Socata devrait arriver ce matin, et que le TB sera prêt vendredi soir. Je retourne chez le marchand de cierge et dévalise les dernières caisses disponibles...
Samedi 9: l'avion est prêt et les congés posés, la météo est moyenne pour les jours à venir, mais cela devrait le faire !
Lundi matin 8 heures, tout le monde se retrouve au bureau météo de Toussus. L'aller se fera dans d'excellentes conditions, le retour sera sans doute plus délicat avec un front froid qui pointe le bout de son nez, mais les orages devraient être centrés sur l'est et le sud.
Le plan de vol est déposé pour 8h30 UTC, et nous mènera à Siegerland via les VOR de Cambrai, Olno et Noerwenich, soit un trajet de 321 NM au FL90.
Les contrôleurs, qu'ils soient français, belges ou allemands nous passeront systématiquement des directes, ce qui a considérablement réduit le trajet initial et c'est après 2h25 de vol que Christian pose le TB sur la 31 de Siegerland.
Le terrain est superbe, tout comme la région faite de collines boisées, l'accueil est chaleureux, l'agent AFIS nous répond même en français !
Le second plan de vol déposé sur Olivia n'atteindra pas l'Allemagne, trop loin sans doute, pourtant, l'Europe ils disaient...
Qu'à cela ne tienne, notre contrôleur prend les affaires en main et s'occupe de tout, pendant que nous admirons la superbe maquette du Dornier DO-X suspendue au plafond, avant d'aller nous restaurer.
L'accueil au restaurant est tout aussi chaleureux et le dessert nous sera même offert !
Le TB avalera également 110 litres avant de faire route vers Berlin.
Un dernier saut à la tour pour récupérer notre nouveau plan de vol, consulter la météo, et je mets en route pour Tempelhof, distant de 247 NM.
Alignement en 31, mise en puissance, rotation à 70 kts et c'est parti pour 2 heures de bonheur !
Après avoir survolé l'ex RDA, nous arrivons à Berlin par le sud, en même temps qu'un Airbus AF. Le contrôleur nous demande de surveiller les planeurs lors de notre descente entre les nuages et enfin Berlin apparait.
La 27 est en service à Tempelhof que nous devinons au beau milieu de la ville. Nous effectuons un grand circuit main gauche au sud de Berlin Schönefeld. A gauche au 360, puis encore à gauche au 310 pour intercepter l'ILS 27 gauche et les deux pistes parallèles sont devant nous, enfin !
Le moment n'est qu'émotion, je sais qu'il est unique au sens propre du terme, c'est la première et la dernière fois que je me poserai à Tempelhof, il me faut donc apprécier chaque seconde, enregistrer chaque image, tout en me concentrant sur l'approche, loc, glide, puis le PAPI et la vitesse...
J'aimerai pouvoir mettre sur pause, apprécier, souffler, puis recommencer.
Tout va très vite, trop vite, et nous nous retrouvons en courte au beau milieu des immeubles, à hauteur des toits, Joëlle mitraille pour immortaliser la scène !
Voilà, c'est fait, nous y sommes et nous roulons derrière le marshaller jusqu'au parking aviation générale, situé à l'ouest du bâtiment.
Check-list parking et arrêt, nous ouvrons les portes et foulons ce ciment historique, qui a vu tant d'avions rouler, tant de passagers débarquer, et tant de marchandises déchargées pendant le blocus, nourriture, charbon, médicaments, et même une centrale électrique en pièces détachées.
Notre voisin est un Suisse qui arrive en famille de Genève, avant de repartir demain pour le Danemark, "il faut profiter des vacances" nous dit-il !
Nous refuelons (attention paiement cash ou carte Diner's uniquement) avant d'embarquer en voiture cette fois jusqu'au terminal.
Formalités très rapide, et en route vers le métro, ligne 6, station "Platz der Luftbrücke", en longeant le monument érigé en souvenir des victimes du pont aérien.
Le métro n'est qu'à quelques minutes de marche en sortant à droite de l'aérogare, et le centre de Berlin n'est qu'à 4 stations, et 2 euros par personne. Pour information, un taxi coûte 6 ou 7 euros pour le même trajet... mais le métro jaune de Berlin, le U-Bahn, est très agréable.
Quelques minutes seulement suffisent pour rallier le centre ville, et nous voici à Postdamer platz pour rejoindre notre hôtel.
La fin d'après-midi et la soirée seront consacrées à une grande ballade à pied pour découvrir Berlin. La porte de Brandebourg, le Reichstag, les restes du mur, le côté Est et son réseau de distribution d'eau aérien.
La ville est très contrastée, de nombreuses constructions en verre trônent au milieu des bâtiments austères mais le tout est équilibré et très aéré, et nous sommes de suite conquis par l'ambiance qui y règne.
Après une bonne nuit de récupération, nous prévoyons de visiter le musée des techniques, où tout un étage est consacré aux "choses de l'air". La météo est maussade en ce début de matinée, et la consultation des prévisions nous oblige à écourter notre séjour. En effet, les orages prévus plus au sud semblent avoir largement pris leurs aises. Tous les TAF entre Berlin et Paris prévoient du TEMPO TS, du BKN CB... Certes souvent avec du PROB30, mais nous privilégions la sécurité.
Nous ne passerons qu'une heure au musée, le temps néanmoins d'admirer quelques belles machines dans différents états de conservation, JU52, Stuka, un cockpit de Superconstellation et bien sûr le DC3 qui trône majestueusement sur le toit face à la ville.
Retour à l'hôtel pour récupérer les bagages et déjà, l'atmosphère s'alourdit, le ciel se couvre, le front arrive.
10 minutes de taxi et 8 euros plus tard, nous voici devant le terminal aviation générale.
Nous payons les redevances et déposons par téléphone notre plan de vol pour Siegerland. Sans perdre de temps, nous descendons les marches qui nous amènent sous l'immense toit, symbole des ailes de l'aigle.
Retour à l'avion à pied cette fois, sous un ciel qui commence à se faire plus menaçant.
Prévol complète, niveau d'huile, chargement des bagages, et nous voici autorisés à rouler vers le point d'arrêt 27 droite.
Nous saluons respectueusement un vieux DC4 stationné au nord du terrain,
avant de nous arrêter au point d'arrêt le long des immeubles.
Le contrôle ne modifiera pas moins de trois fois notre plan de vol pendant la durée du roulage !
La clairance de décollage nous est donnée, tandis que le Junker 52 atterrit à côté de nous sur la 27 gauche, tel un cadeau d'adieu offert par le terrain. Nous trainons un peu à l'alignement afin de pouvoir le contempler lors de notre montée initiale.
Il est près de treize heures lorsque Christian met en puissance.
Comme prévu, nous passons verticale le JU52 qui roule vers l'aérogare pour déposer ses passagers.
Au fur et à mesure de la montée, nos têtes se retournent pour admirer une dernière fois Tempelhof.Nous survolons la banlieue ouest de Berlin et ses nombreux lacs, nous reviendrons c'est sûr, mais par la ligne cette fois...
Nous pénétrons rapidement dans le front en forme de mille-feuilles.
Au fur et à mesure que nous progressons vers Siegerland, les couches s'épaississent et le vent forcit. Nous avons fait l'aller à près de 180 kts, nous sommes désormais péniblement à 110 kts. Le stormscope est sur ON, et nous guettons d'éventuels CB dans la masse grise.
Après près de trois heures de vol, nous approchons de notre destination. L'ATIS annonce scattered 400 et broken 700, c'est plutôt bas... La 13 est en service, hors seule la 31 dispose d'une approche ILS, il va nous falloir demander une 31. Quelques minutes plus tard, le contrôle nous demande d'écouter à nouveau l'ATIS car désormais la 31 est en service, notre agent AFIS a dû nous entendre sur la fréquence et a anticipé notre requête.
Nous passons sur Siegerland info et sommes accueillis par un chaleureux "bonjour madame et messieurs !".
La percée sera disons... sportive, le vent est travers gauche avec de plus une légère composante arrière.
Vitesse, dérive, loc, glide, volets, vitesse, loc, glide, train... le tout dans une épaisse purée de poids... et enfin la piste apparait. Notre ami a tout allumé pour notre arrivée. Posé pas cassé, assoiffés et affamés !
Direction le restaurant désormais familier, il est 16 heures. "Peut-on encore manger ?". "Bien sûr, et commandez ce que vous voulez !".
Nous montons ensuite à la tour récupérer notre plan de vol, consulter la météo et saluer notre hôte. La photo satellite nous montre clairement le front que nous traversons. Actuellement la France est totalement dégagée mais des tâches apparaissent plus à l'ouest.
Il ne faut pas trop trainer car la météo sur Paris annonce des CB vers 20 heures locales.
Je retrouve zoulou november pour la dernière branche du voyage. Je démarre très fort en remontant la piste pensant être sur le taxiway ! J'appelle le contrôleur pour m'excuser de mon méfait, "kein problem !" répond-il !
Nous mettons le cap au sud ouest, en montée vers le niveau 80. Il nous reste 300 NM à parcourir via les VOR de Noervenich à nouveau, Huldenberg et Chièvres.
Comme précédemment, le plan de vol initial est modifié à notre avantage et le contrôle nous raccourcit le trajet en nous donnant des directes dès que possible.
Le vent est toujours aussi fort et nous demandons à descendre au niveau 60, ce qui nous permet de gagner une dizaine de noeuds. Nous filons désormais 120 kts dans un beau ciel de traîne.Nous venons en réalité d'avoir un cours de météo live, avec traversée de part et d'autre du front.
Les cumulus bourgeonnent gentiment autour de nous, des grains isolés parsèment désormais le ciel bleu.
Nous retrouvons la langue française avec le contrôleur de Charleroi, sous un plafond noir mais sans danger.
Les frontières se suivent, Pays-Bas, Belgique puis la France. Les passagers dorment ou bien profitent du paysage enfin dévoilé,
Tandis que le "first officer" suit sa nav et rentre les waypoints dans le GPS.
Nous survolons Laon, laissons Reims sur notre aile gauche et remontons la vallée de la Marne en direction du VOR de Coulommiers.
Le contrôle nous renvoie au FL80 et nous voici à nouveau dans la couche en approchant Paris.
C'est ici que nous verrons le seul CB du voyage, au nord de la capitale.
Les dernières consignes nous sont données, cap convergent et descente vers 3000 ft pour intercepter l'ILS 25 droite de Toussus.
Nous allons nous faire une verticale sud de Paris, tandis que les communications sur la fréquence d'Orly évoquent du cisaillement en finale... Il est vrai que le temps autour de nous semble bien mouvementé !
Je m'attends à une arrivée également mouvementée sur Toussus, le contrôleur nous donne le dernier vent, 200° pour 20 kts, rafales à 30.
Ca balance pas mal aujourd'hui comme dit la chanson, et zoulou november se ballade de gauche à droite de l'axe...
Mon toucher sur la roue gauche sera sportif aussi. Malgré le casque, j'entends rire à l'arrière !
Peut-être un peu de trop de manche à gauche...
Nous voici en tous les cas de retour au bercail après un vol qui restera gravé à l'encre indélébile dans nos mémoires.
Tchuss Berlin !
album photo complet ici, ou ici en version HDR.